L’avenir de la VAE en chiffre
Une étude de l’éducation nationale, que nous présentons en exclusivité, montre qu’après un rapide essor, ce dispositif permettant de faire reconnaître par un diplôme les compétences et connaissances acquises au travail voit le nombre de ses bénéficiaires stagner.
Que dit l’étude ?
La Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) montre qu’en 2012, dix ans après le lancement de la validation des acquis de l’expérience (VAE), l’éducation nationale avait délivré par ce biais 129 000 diplômes « à finalité professionnelle » (les CAP, BEP, BTS ainsi que les diplômes des métiers d’art ou encore plusieurs diplômes d’État). Après une montée en puissance jusqu’au milieu des années 2000, le nombre de candidats a stagné. À ce jour, la VAE – qui permet de faire reconnaître par un jury, sur la base d’un dossier, les compétences et connaissances que l’on a acquises en travaillant – reste une voie d’accès marginale à la qualification (2 % à peine des diplômes cités ci-dessus).
« Ce dispositif arrive très loin derrière la formation initiale mais aussi derrière la formation continue ou encore les candidatures individuelles aux examens », note Catherine Moisan, la directrice de la Depp. Ces nouveaux chiffres, qui portent exclusivement sur les dossiers traités par l’éducation nationale, font apparaître une tendance semblable à celle observée dans d’autres secteurs : on note aussi une stagnation du nombre de diplômes délivrés par les universités et le Conservatoire national des arts et métiers, de même que par les ministères de la santé et les affaires sociales, de l’agriculture ou encore de la jeunesse et des sports. Soit au total 250 000 diplômes décernés.
Quel est le profil des candidats à la VAE ?
Les personnes qui s’engagent dans la VAE sont, dans 76 % des cas, des femmes. Dans sept cas sur dix, les candidats sont déjà en emploi. « Peut-être parce que les chômeurs se sentent moins sûrs de leurs compétences ou craignent qu’une telle démarche ne les détourne de leur recherche d’emploi », avance Catherine Moisan.
Autre caractéristique : les candidats à la VAE visent des diplômes de plus en plus élevés. Pour autant, côté éducation nationale, le CAP petite enfance reste le plus prisé, avec 16 % des dossiers examinés, suivi par le diplôme d’État d’éducateur spécialisé et par celui de moniteur éducateur.
De manière générale, les salariés des services à la personne sont les plus nombreux à s’emparer du dispositif. C’est le cas de Sandrine qui, avant d’obtenir en avril son diplôme d’État d’auxiliaire de vie sociale, effectuait déjà depuis douze ans des interventions (ménage, courses, aide à la toilette, etc.) au domicile de personnes âgées, malades ou handicapées, dans la Vienne. Ce diplôme est, dit-elle, une « reconnaissance », de nature à « renforcer le lien de confiance avec les clients » et qui de surcroît s’est traduite par une augmentation de revenu mensuelle d’environ 50 €.
Sandrine s’est lancée dans l’aventure car son employeur, l’association ADMR, l’a soutenue dans ses démarches. Désireux de poursuivre sa professionnalisation, ce réseau a, l’an dernier, pour le seul département de la Vienne, accompagné 50 de ses 1 400 salariés dans une VAE.
Comment relancer le dispositif ?
« Trop de gens susceptibles d’être concernés ne savent même pas que la VAE existe », déplore Catherine Moisan, qui réclame un effort d’information. Pour elle, il faudrait aussi analyser les freins spécifiques à certains secteurs, notamment l’industrie, restée à l’écart du dispositif. Surtout, il faudrait pouvoir « aller jusqu’au bout de cette petite révolution culturelle consistant, dans un pays qui, plus que tout autre, valorise la formation initiale, à accepter que le travail puisse produire des compétences et des connaissances ».
Encore faut-il qu’un diplôme acquis via la VAE offre au diplômé une vraie plus-value. Ce qui est loin d’être toujours le cas, notamment dans le social. Isabelle, qui très longtemps avait exercé les fonctions d’éducatrice spécialisée avec un simple diplôme d’aide médico-psychologique (AMP), a réussi l’an dernier à faire reconnaître son expérience, après quatre ans de démarches, sans accompagnement de son employeur. Depuis, rien n’a changé, elle reste embauchée comme AMP. « C’est tout juste si on me dit que je serai prioritaire si un jour un hypothétique poste d’éducateur spécialisé est créé dans ma structure », déplore-t-elle. Il n’est d’ailleurs pas rare que des diplômés soient obligés de changer d’emploi pour tirer pleinement profit de leur VAE.
DENIS PEIRON (Lacroix.com)